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Voyage en Espagne
poezii [ ]

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di [Rosemonde_Gérard ]

2010-07-29  | [Aestu textŭ lipseashti s-hibâ dghivâsitŭ tu francais]    |  Ânyrâpsitŭ tu bibliotecâ di Guy Rancourt



Beauté divine des nuages…
Ah ! comment dire la couleur
De ce miraculeux voyage
Qui mêla mon cœur à ton cœur !

C’était rose, royal, champêtre,
Éternel, - et même enfantin.
C’était ce que le soir, peut-être,
Pense en regardant le matin.

Sous tant de clarté, le cœur doute ;
La joie est une angoisse aussi.
On croyait prendre sur la route,
Vers le bonheur, des raccourcis.

Le ciel est bleu, la mer est basse.
De loin je regarde et je vois
Un merveilleux passant qui passe…
Ce passant merveilleux, c’est toi !

De loin je te photographie
Dans un petit verre carré.
C’est bien toi. Jamais de ma vie
Je ne t’ai autant adoré.

C’est toi !… Tu parles… Tu respires…
Tu vas, et tu viens, et tu vis…
Tu t’assieds sur un banc pour lire
Le petit journal du pays.

Je marche dans l’eau sur la plage
Pour te rejoindre à l’horizon ;
Tous les bateaux sont en voyage ;
Nous revenons vers les maisons,

Vers les jardins, vers les musiques,
Le vent ferme son éventail.
Ô les ravissantes boutiques !
L’une est le Palais du corail.

Mes yeux soulignent de tendresse
Le moindre geste que tu fis ;
Sur nos pas, les magasins dressent
Des espaliers de fruits confits ;

L’Église a des vieilles statues ;
Nos ombres tremblent sur le sol ;
Tous les rêves sont dans la rue…
Tous les oiseaux sont espagnols…

Leur cantate n’est pas surprise
De se poser sur des genêts…
Quelle douceur… Comment la brise
Savait-elle que tu m’aimais ?...

Ah ! que la promenade est brève
Quand c’est toi qui la proposas…
Il y eut de tout dans ce rêve :
Des silences, des mimosas,

Un chapeau qui, pour mieux te plaire,
S’ajoutait un voile argenté ;
Et l’éternel vocabulaire
Que l’amour seul sait inventer.

…Mais la vie, hélas, va trop vite,
Le matin touche le tantôt…
Comme en tes bras je suis petite,
Quand tu me passes mon manteau.

Mon coeur, fou de tendresse, tremble
Comme la plume d’un bambou…
Et je t’aime tant qu’il me semble
Que tu ne m’aimes plus du tout !

(Rosemonde Gérard, Les Muses françaises, 1948)

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