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Berceuse de mort
poezii [ ]

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di [Jeanne_Neis_Nabert ]

2015-01-31  | [Aestu textŭ lipseashti s-hibâ dghivâsitŭ tu francais]    |  Ânyrâpsitŭ tu bibliotecâ di Guy Rancourt




Dormez, fermez les yeux puisqu’ils sont pleins de larmes,
Dormez, penchez le front puisqu’il est triste et las,
Car l’Ange de la mort vous murmure tout bas
Une chanson très douce où l’oubli met ses charmes ;
Dormez, fermez les yeux puisqu’ils sont pleins de larmes.

Dormez, le vent d’été passe sur votre couche,
Par la fenêtre ouverte on voit luire les cieux ;
Tout dort, car le rayon qui brille radieux,
Comme la vie aussi consume ce qu’il touche,
Dormez, le vent d’été passe sur votre couche.

Dormez. Pour assoupir votre âme agonisante
Les parfums sont montés des parterres en fleurs,
Entraînant vers vos sens d’ineffables langueurs,
Et l’ombre autour de vous s’élève envahissante.
Dormez, pour assoupir votre âme agonisante.

Dormez, c’est le sommeil éternel qui commence,
Laissez-vous consoler comme un petit enfant ;
La nature ce soir vous berce en murmurant :
La mort est un repos, ce n’est pas la souffrance,
Dormez, c’est le sommeil éternel qui commence.

C’est pour vous appeler que la nature chante,
Elle a pitié de vous car vous avez souffert
Et pour vous recueillir son sein est grand ouvert,
Dormez, dormez, mourez, la vie est menaçante,
C’est pour vous appeler que la nature chante.

Dormez et n’ouvrez plus jamais votre paupière,
Que la brise du soir soulevant vos cheveux
Et caressant la couche où vous rêvez heureux
N’effleure qu’un linceul flottant sur une bière.
Dormez, et n’ouvrez plus jamais votre paupière.

Dormez, Dieu vous attend par delà les étoiles,
Abandonnez votre âme au souffle de l’oubli,
Mais déjà votre front se repose affaibli
Et vos yeux sont fermés à jamais sous des voiles…
Dormez, Dieu vous attend par delà les étoiles !


Pont-Croix, août 1901

(Jeanne Neis Nabert, alias Sijenna, Humble moisson, 1903, pp. 72-73)

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